Père Co-époux De la Négritude Tes fils sont noirs Tes fils sont blancs Tu le savais Avant d'être Immortel Tu le voulais Face à l'océan Les pieds nus Mariés au sable De Joal Dans le secret de l'eau L'esprit aux aguets Messager De tous les univers Connus et inconnus Les cinq sens Victorieux de l'oubli Chasseurs de Lune Chasseurs de Soleil Chasseurs de Chants d'Ombres Et de femmes obscures Debouts dans le vent Les mains nues Polissant l'écorce du monde Ancêtre aimé Co-époux De la solitude Ancêtre charmeur Entends-tu l'invocation Des enfants de la nuit ? Père
!
Et voilà ta pirogueAs-tu trouvé sur Terre Des hommes qui te ressemblent ? Père ! Le pouvoir a-t-il enfin Jeté son masque Dans la clairière de tes rèves ? Père ! Où se cache le balafon du désir ? Et la kora de l'espoir ? Et le djembé de l'amour ? Père ! Les poètes de la brousse Et ceux de la rue Ont-ils maintenant Le droit de vivre Avant de mourir ? Grand Ancêtre Métis ! Ta pirogue au mitan du fleuve Toujours entre deux rives A nouer le lien Entre le passé et l'avenir ! Que
nous dis-tu ?
Figure de proueQu'il faut aimer ? Qu'il faut vouloir ? Qu'il faut habiter l'espace Entre le chêne et le baobab ? Qu'aucun roi n'est digne Du royaume de l'enfance ? Qu'il faut pardonner à Dieu D'avoir fait l'homme à son image ? Taillée dans l'ivoire Et dans l'ébène Tu ouvres le chemin En brisant les flots De l'ignorance et de la bêtise Ton sillage fait danser nos coeurs Balancés par les mêmes angoisses Les mêmes désirs Les mêmes rythmes La même Raison Hélène ou pas Qui toujours Nous fait choisir La
liberté !
Tu as ouvert le cheminPour ceux qui sont enchaînés Et ne connaissent plus leurs chaînes La résistance ! Contre ceux qui partagent le monde En deux parts inégales La poésie ! Contre les zélateurs bavards Des tabous tyraniques Le chant ! Pour les dynasties muettes Des mendiants résignés ! De la parole de la terre et de l'eau Ta pirogue a remonté le fleuve Et tu es devenu la source Grand Ancêtre de l'Homme ! Mais nous voilà seuls Les pieds nus dans la glaise du rivage Les mains nues brillant du sel de nos larmes Pendant que tes ennemis dansent et se réjouissent Arrachant une à une les étoiles de la sphère de cristal ... Il nous faut tailler le bâton aux serpents Et puis nous mettre en route Prendre l'obscurité de vitesse Quelques éclairs dans une poche Quelques semences dans une autre Réinventer le monde Avec ceux qui ne veulent pas Se satisfaire de leurs dieux Avec ceux qui ne croient pas Se suffire à eux-mêmes. Christian LAVIGNE, 2001-2004.
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