Dés l'âge de 12 ans,
Erick-Christian AHOUNOU, dont les grands frères avaient fait des
études de journalisme, s'est passionné pour la
photographie, et s'est mis à lire tout ce qu'il pouvait trouver,
à Cotonou, sur cet art et cette technique, puis à
solliciter voyageurs et correspondants pour obtenir plus de livres,
plus d'informations. Ses parents lui concédèrent l'usage
d'un petit labo photo, à la maison, en tant que loisir. Au
Bénin, comme ailleurs, les professions artistiques ne sont
guères vues d'un bon oeil par les familles !
Au décès de son
père,
polygame, Erick-Christian se retrouve l'aîné des 6 enfants
de sa mère,
et décide à la fois d'arrêter ses études et
de gagner sa vie avec sa
passion. Il commence par quelques reportages domestiques sur les
baptèmes, les mariages et autres cérémonies de la
vie quotidienne,
puis, lors du renouveau démocratique de son pays, à la
fin des années
80 et au début des années 90, s'engage dans le
photojournalisme, jusqu'à devenir en 1999 le président de
l'Association Nationale des Reporters d'Image du Bénin.
C'est au début de ces
années 90, après un travail dans le journal de la Mission
de Coopération, et divers stages de formation effectués
en France, en Côte d'Ivoire et au Sénégal, qu'il
approfondit ses connaissances, diversifie ses talents, et
réalise enfin que le photographe n'est pas seulement l'homme qui
appuie sur le déclancheur de l'appareil, le serviteur de la
mémoire des autres, le témoin passif des petits ou des
grands événements.
On le sait, après
s'être méfié de la photographie, l'Africain, qui
individuellement ou collectivement n'est pas moins narcissique qu'un
Occidental ;-), s'est goulûment emparé de cette technique,
et les photographes de quartier, les labos de développement,
fleurissent aux coins des rues des grandes capitales d'Afrique Noire:
pas moins de 40 labos à Cotonou, et une myriade de photographes
plus ou moins professionels !
C'est donc un paradoxe
extraordinaire de constater que jusqu'à une époque
récente on pouvait renconter sur le Continent Noir toutes sortes
de porteurs d'appareils photos...sauf des photographes revendiquant une
liberté et une démarche d'artiste. Au Bénin,
Erick-Christian AHOUNOU fut donc, il y a quelques années, le
premier d'entre eux, le premier à imaginer une recherche
esthétique en vue d'une exposition d'art photographique. A cet
égard, en Afrique, pour bien des artistes de l'image, la
Biennale de la Photographie de Bamako fut un encouragement à
clamer haut et fort leur véritable identité.
Notre ami AHOUNOU, il ne s'en cache
pas, est un homme d'action, de défis et de provocation ! Outre
le fait qu'il remet en cause, chez lui, le fait que la photo soit une
pratique mercenaire, utilitaire et subalterne, il décide de
choisir pour sa première grande expo artistique un thème
souvent traité par ses confrères "Blancs", y compris en
Afrique, mais jusqu'alors totalement absent (ou occulté) chez
ses confrères africains: le nu féminin.
L'artiste nous avoue que cette
provocation - au résultat somptueux - il se l'est d'abord faite
subir à lui-même, comme une initiation. Il évoque
avec plaisir cette première fois où une femme s'est
déshabillée devant lui pour devenir son modèle, et
non pas son amante. Ce plaisir-là, souvent mal compris, est le
plaisir du
créateur qui va réinventer le monde, lui donner un sens
nouveau, célébrer la beauté de formes que d'autres
n'ont pas su voir ou découvrir. Erick-Christian AHOUNOU, le
photographe, a ouvert les yeux, en acceptant et en magnifiant
l'érotisme de son regard. Il nous invite depuis lors à
réver avec lui aux courbes et aux mystères de la Femme
Africaine - qui se laisse prendre à ce jeu, parce qu'elle sait
que sa victoire sera son émancipation.
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