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HITORI, Poète Secret


Par Christian Lavigne, Pdt de TM

Je n'ai pas rencontré Hitori. Je ne lui ai pas parlé. D'ailleurs, est-ce possible de le rencontrer celui qui s'appelle Hitori d'un mot japonais qui signifie "tout seul", est-ce possible de le rencontrer sans qu'il cesse précisément d'être ce qu'il est?

J'ai vu et j'ai parlé à son double, son alter ego qui rayonne dans le spectre du visible: sa femme, Nadine Pariset-Ferrari. Il écrit, il dessine. Elle met en page, elle présente, elle se frotte au monde pour faire jaillir quelques étincelles de sa poésie, à lui.

Que sait-on d'Hitori?
Pas grand chose si l'on parcours la présentation de son ouvrage "Les Tiroirs d'Hitori", édité par Lettres du Monde (142, Fbg Sy-Antoine, 75012 Paris, France).
Pas grand chose, mais l'essentiel:
"Enfant délaissé, déporté à quinze ans et demi dans les camps nazis, rebelle soumis aux dures lois de sa conscience, il ne percevra qu'un seul but: "naître à la pensée". Pas d'étude, pas de diplôme, la vie pour école et la lucidité pour maîtresse, c'est en véritable autodidacte qu'il va combattre pour se révéler."
 La poésie d'Hitori est un regard sur le monde qui ramène toujours à l'homme. Il se plait d'ailleurs à composer des aphorismes:

Entre l'homme et le rève
il y aura toujours ceux qui détestent l'un et ceux qui haïssent l'autre.

Le poète se trouve à la limite exacte de l'ombre et de la lumière: sans sa foi, il n'aurait sans doute plus rien à dire. Voilà pourquoi il est bien difficile d'analyser l'oeuvre d'Hitori en termes universitaires: la parole d'un poète libre ne se mesure pas avec un centimètre.


LE POETE 

Depuis ses fenêtres
"Eclairs à picotin d’espérance"
L’homme nu sur le sable de l’ennui
Suit ses fleuves de feu
Sous des ciels d’argent.
Maître de rien
Sur le tableau des éclipses
Hors des déserts sublimés
D’une pensée amère
Il écrit l’intensité.
Clair dans le temps
Noir pour des ombres
Soleil aux larmes de pluie
Ni aimé ni haï
Il vit dans l’ailleurs. 


NUIT D’EVEIL 

Mois de décembre...
Ciel sombre sur de sombres pensées
Où s’élèvent des brouillards de hantise
Pour égarer ceux qui se sentent liés
Aux porteurs de poids
Et aux mages de l’espérance.
Longues veillées des jours courts
Où les coeurs capables de vie
Saisissent dans le confus entrouvert
Des pépites de vérité.
Image éblouissante d’un instant
Qui gonfle les veines
Et tend les lèvres fanées
Par ce vent des vents
Qui guette nos enfants. 

Nuits des ailes brisées
Etalées à perte de vue
Plus loin que le concevable
Qui n’est plus
Poussée triomphante de tous les mercenaires
Pour faire plier les fronts
Qui font pousser les blés
Et naître le propice.
Sueurs froides
Dans le froid matin
Où le terrible désir de vouloir
S’oppose à celui de se soumettre
Lutte éternelle que reflète
Ce soleil qui monte
Et cette nuit qui fuit.

extraits de "Les Tiroirs d'Hitori", 1999