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Notre
visite annuelle au Salon du Livre de Paris fut essentiellement
dédiée, en mars 2008, au "Parcours
Numérique"
proposé par les organisateurs de
l'événement. Il
s'agissait à la fois d'un espace d'exposition
réservé aux technologies du numérique
appliquées au livre, et d'une série de
conférences
et de débats sur le thème "Lectures de dem@in". La brochure de ce parcours introduisait ainsi le sujet: "Que lira-t-on demain ? Sur quels supports ? Dans quelles conditions ? 500 m² d'animation autour de la lecture numérique. Le marché de l'édition, confronté lui aussi à la révolution numérique, entre, après les premiers balbutiements au tournant de ce siècle, dans une phase de profonds changements. Une ère nouvelle s'ouvre et les modèles économiques et culturels vont être bouleversés." Sachant que le salon du livre couvre une superficie d'environ 55.000 m², la zone numérique, reléguée dans un coin (au sens propre et au sens figuré) du hall d'exposition, représentait donc moins d'un centième de la manifestation, bien qu'annonciatrice d'une "ère nouvelle" et de "profonds bouleversements". On pourrait facilement en conclure que le monde littéraire, dans son ensemble, voit d'un mauvais oeil la "révolution" en question. Et, malgré les nuances que nous allons évoquer rapidement, cette analyse rapide s'avère, tous comptes faits, être la bonne! Mis à part deux journaux qui affichaient ostensiblement leur volonté d'être disponibles en ligne ou sur ebook (Les Echos et MediaPart), on ne trouvait qu'une seule société d'édition prenant le risque d'exposer dans l'espace des "Lectures de dem@in": M21 Editions, éditeur original utilisant toutes les ressources de la publication, depuis le livre papier jusqu'au blog Internet, en passant par les fameux ebooks, ou livres électroniques. La plupart des éditeurs classiques du XXIe siècle voient donc l'arrivée du numérique dans leur champ d'activité comme les enlumineurs et les moines copistes ont dû voir s'imposer l'invention de Gutenberg au XVe siècle : avec un enthousiasme très relatif... Malheureusement, à y regarder de plus près, il pourrait s'agir - là encore - d'une mauvaise "exception culturelle" française: au moins 70.000 ouvrages anglophones sont disponibles pour les ebooks...contre seulement quelques centaines en langue françoise. Les auteurs eux aussi, pour des raisons différentes, disons psychologiques, paraissent attachés à l'objet-livre, quand bien même leur texte ne nécessite aucune typographie spéciale, aucune illustration particulière, aucun papier inhabituel, aucune reliure savante de livre d'artiste - devant lesquels évidemment le livre numérique abandonne la partie (1). Mais presque tous s'inquiètent, comme pour la musique ou le cinéma (et aussi pour les arts plastiques - totalement oublié dans les débats actuels), du contrôle de la diffusion des oeuvres sur les "nouveaux supports", et de l'encaissement des droits qui y sont attachés. Presque tous, pas tous: des auteurs inconnus, ou bien négligés par les maisons d'édition, ou bien refusant le système mercantile de la librairie, ou bien encore souhaitant avoir un contact direct avec leurs lecteurs, mettent gracieusement à disposition leurs oeuvres sur le Web. On y trouve donc des livres récents et gratuits, au format numérique, par exemple chez www.babelpocket.fr ou chez www.numilog.com - qui proposent bien sûr moult titres payants à télécharger. Les seuls domaines où l'informatique et les réseaux ne semblent guère poser de problème au monde de l'édition et de ses ayant droits, sont d'une part la mise en vente sur le Web d'ouvrages et de publications en papier, anciens ou récents ( système qui profite particulièrement aux petits éditeurs et aux libraires indépendants ); et d'autre part la numérisation et la mise à disposition en ligne d'oeuvres tombées dans le domaine public, et qui parfois étaient difficiles d'accès. En France, le portail Gallica 2, alliance de la BNF et du Syndicat National de l'Edition, donne un bel exemple d'une offre importante de documents patrimoniaux en accès gratuit, et de documents contemporains en accès généralement payant. Lesdits documents sont essentiellement visibles en mode image et (pas toujours) en mode texte, téléchargeables au format PDF. On peut signaler encore les sites Livres pour tous et Ebooks libres et gratuits qui proposent des centaines de livres dans ce format, mais aussi en version audio. Le PDF est-il donc l'avenir du ebook ? Rien n'est moins sûr. Ceux qui ont visité le Salon du Livre en l'an 2000, se souviennent du "Village du Livre Electronique" où étaient présentés, avec moins de discrétion que cette année, les premiers écrans autonomes dédiés à la lecture. A la fin des années 90, chacun avait pu constater que la lecture d'ouvrages de plusieurs dizaines ou centaines de pages sur un PC ou un Mac n'était pas follement attractif, pas franchement pratique, et voire même pénible pour les yeux. Il fallait donc bien créer un appareil spécifique avec un écran adapté, facilement transportable. Mais en ce début de XXIe siècle, les premiers ebooks étaient chers, lourds, et avec une faible autonomie d'énergie. Quant aux ouvrages disponibles, ils n'étaient pas légion. C'est la mise au point de nouveaux écrans basés sur le principe du E-Paper et de l' E-Ink (2), avec une très faible consommation électrique et un confort de vision similaire à celui d'un papier imprimé, qui a permis l'arrivée, 7 à 8 ans plus tard, de livres électroniques légers, maniables, et qui seront bientôt souples et encore plus résistants. Ces feuilles de "papier numérique" ont la particularité de ne pas être rétroéclairées comme un écran classique: il faut donc de la lumière pour lire son ebook, comme pour un livre ordinaire. Pour le moment l'affichage se fait en niveaux de gris, mais les premiers e-papers couleurs sont apparus en laboratoire, et permettent aussi de recevoir des images animées. Actuellement 4 modèles sont disponibles:
Concurrence des machines, concurrence des formats, enjeux économiques, problèmes juridiques remettant en question jusqu'à la définition légale du livre, tentatives de contrôles politiques et commerciaux sur la production et la diffusion des cultures et des savoirs ( tout éditeur chinois est maintenant obligé de faire un dépôt légal sous forme numérique - volonté écologique d'épargner les arbres, ou bien moyen commode de vérifier les contenus des ouvrages ? ), tous ces problèmes secouent aujourd'hui le berceau du livre électronique. Comme bien souvent, d'un strict point de vue technique et rationnel, l'avenir semble radieux, car l'on sait que finalement des choix s'imposent après diverses batailles, diverses alliances. A terme, donc, le ebook se démocratisera, et saura satisfaire les besoins des lecteurs d'informations ou de littératures - qu'il faut souhaiter de plus en plus nombreux sur Terre. D'un autre côté, il serait absurde d'annoncer la mort du livre en papier, quand bien même il deviendrait un jour une sorte de rareté, un objet d'une esthétique particulière, comme aujourd'hui le film ou la photo noir et blanc argentiques. D'ailleurs il est amusant de constater qu'une autre bataille s'engage aujourd'hui à propos du livre numérique, exactement à l'inverse de celle de la "dématérialisation" des ouvrages: les proposition d'impression physiques de livres à la demande se multiplient et donnent lieu à des batailles industrielles. Une pétition intitulée "Stop the BookSurge Monopoly" s'insurge (ça rime) contre booksurge.com, l'offre d'Amazon de publier et de diffuser votre propre bouquin à l'unité. Amazon refuse désormais les autres livres autopubliés. Un acteur européen de cette autoédition numérique avec retour vers le papier, est la société Book On Demand qui harangue ainsi le chaland : "Vous désirez que votre original prenne la forme d’un vrai livre ? Alors, vous êtes à la bonne adresse : avec BoD, vous arriverez au but rapidement et en toute commodité." A les en croire, le livre électronique ne serait donc pas un "vrai" livre. Au dela des arguments commerciaux qui flattent les habitudes et le narcissisme des auteurs en herbe, on voit tout de même poindre une sorte de nostalgie de la tradition gutenberguienne ! Mais en vérité le BOD est à la typographie décrite par l'Encyclopédie de Diderot et d'Alembert, ce qu'un meuble IKEA est à une création d'ébéniste. Il ne faut certes pas oublier que le livre a connu diverses formes à travers les âges, depuis les tablettes babyloniennes jusqu'aux modernes empilements de petites feuilles reliées, en passant par les rouleaux et les parchemins. Le ebook trouvera sa place dans cette histoire. La question nouvelle qui se pose est ailleurs. Cette question est la même pour tout objet et tout système relevant de la convergence numérique : sommes-nous prêts à accepter la divulgation permanente de notre identité, de nos goûts, de nos convictions et de nos désirs ? Sommes-nous disposés à être fichés dans les moindres détails par des multinationales ou des états policiers qui-veulent-notre-bien ? Télécharger sur son ebook de poche des centaines de titres, avoir accès à des librairies et des bibliothèques en ligne partout dans le monde, fort bien ! Mais c'est aussi se faire suivre à la trace, géographiquement et mentalement, dans un monde paradoxal où les libertés individuelles augmentent au rythme où les espaces de liberté diminuent. Christian LAVIGNE, avril 2008.
Notes:
1. Ce qui ne veut pas dire qu'on ne puisse, bien au contraire, concevoir de nouveaux livres d'artistes pour ordinateurs, pour ebooks, pour téléphones portables... 2. Le e-paper est constitué d'une couche d'e-ink prise en sandwitch entre deux couches d'électrodes intégrées à des films transparents. L'e-ink est une sorte d'assemblage de microsphères renfermant des particules noires et des particules blanches mobiles qui sont sensibles d'une manière inverse aux champs électriques: quand les particules noires montent les blanches descendent, et réciproquement. |
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dialogue
avec : Pierre de La COSTE écrivain et poète pionnier du Web littéraire français vidéo REAL |
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rencontre
avec : Michaël DAHAN Co-fondateur de la société Bookeen vidéo REAL |
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rencontre
avec :
Malo GIROD de L'AIN directeur des éditions M21 |
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